Un peu à l’écart des routes touristiques voici la petite ville de Condeixa-a-Velha qui abrite à sa périphérie les ruines et le musée de Conimbriga. Cette cité de l’époque romaine IIe siècle après J.-C. est très attractive car elle renferme de nombreux vestiges particulièrement bien conservés. Parmi ces vestiges il y a de superbes mosaïques, des murailles dont l’épaisseur est impressionnante. Les vestiges de fondations renseignent sur l’importance de cette cité antique. Comment passer sous silence le système de chauffage des bains : L’hypocauste. Finalement la visite se termine par le musée qui recueille des objets trouvés à la suites des fouilles archéologique du site de Conimbriga .
Les ruines de Conimbriga dans un écrin de verdure
La première impression marquante lorsque l’on arrive à Conimbriga est environnementale. En effet la cité antique est perchée sur un éperon de tufs qu’une profonde dépression protégeait des risques d’invasions inopinés. Au fil des millénaires, la rivière Mouros a creusé un véritable canyon qu’une forêt dense occupe. En complément d’information, une piste forestière qui part du site archéologique fait la jonction avec un chemin de randonnée qui longe la rivière Mouros. Malheureusement, signe des temps où l’aridité gagne du terrain, la rivière se tarit l’été. Toutefois si la saison le permet il est possible d’admirer la cascade de Rio de Mouros. La récompense est donc au bout de ces quelques vingt minutes de marche depuis le site antique.
Vestiges des bains publics d’Auguste
Les premiers bains publics de Conimbriga furent construits sous le règne de l’empereur Auguste, Ier siècle av. J.-C. . Les éléments architecturaux conservés sont difficiles à identifier car ils sont situés sous le nouveau complexe thermal construit sous Trajan. Les structures survivantes montrent des installations de baignade entièrement fonctionnelles, l’accent était mis sur la salle d’entrée pavée de mosaïques et sur la grande piscine d’eau fraîche.
L’aqueduc de Conimbriga
Conimbriga n’aurait pas existé sans la présence d’eau de source abondante, du moins dans la forme d’une cité antique comptant 10.000 habitants. Or l’eau était abondante à proximité de ce plateau dont la composition en tuf perméable filtrait l’eau. Au fil des millénaires , des cavités karstiques se créérent retenant ainsi de l’eau en abondance. À la source une tour à eau élevait l’eau qui s’écoulait ensuite par gravité. L’eau était ensuite distribuée dans la ville par des sections aériennes ou souterraines. L’eau en abondance, alimentait aussi les bains qui étaient chauffés par l’ hypocauste . Ce système de chauffage était lui même alimenté par un foyer attenant dont la circulation d’air chaud chauffait le sol et les réservoirs d’eau. A ce stade, il convient de noter que ce système de chauffage nécessitait une grande quantité de bois. Mais ici, il semble que la forêt a tenu bon, du moins s’est-elle reconstituée.
Vestiges du Grand Forum Flavien
A cet endroit, l’édifice le plus important était un temple qui n’existe plus. Il reste seulement trois piliers qui donnent une idée de l’importance de l’édifice. Le forum avait une triple fonction politique, religieuse et aussi commerciale. C’était donc le lieu le plus important de la petite ville antique, qui selon les estimations comptait 10.000 habitants.
Le Grand Forum Flavien était le centre de la cité romaine. C’était un sanctuaire impressionnant qui était dédié aux divinités du culte impérial. Le bâtiment principal de cet immense complexe architectonique était le temple qui mesurait 10,4 mètres de long sur 7,5 mètres de large. D’une hauteur de 18 mètres, Il dominait l’esplanade du Grand Forum Flavien.
Les mosaïques aux motifs géométriques
Les mosaïques de Conimbriga valent à elles seule la visite car elles sont représentatives d’un art réellement abouti. Les formes les plus présentes sont des motif géométriques. Alors que les pierres qui composent ces mosaïques sont en réalité des cubes d’environ 25mm de côté. On imagine facilement la minutie de la taille ainsi que l’énorme travail d’assemblage. A Conimbriga, d’après mon constat, le décor est uniquement à base de pierres naturelles, dont du marbre. Le résultat final est sidérant. Le dernier point à considérer est l’emploi de ces mosaïques qui couvraient les sols de riches demeures. Elles étaient donc l’équivalent de nos carrelages modernes subissant les contraintes de la vie domestique. Pourtant, elles sont dans un état de conservation étonnant (après les fouilles et leur inévitable restauration).
Mosaïques de la maison de Cantaber
Utilisation de la technique trompe-l’œil
Une maîrise parfaite de la géométrie
Mosaïques de la maison des fontaines
Conimbriga histoire de la muraille impériale
La muraille impériale tardive fut construite à la fin du IIIe siècle ou début du IVe siècle. Elle reprenait les plans des murailles qui entouraient Rome durant le reigne de l’empereur Aurélien. Stratégiquement ou pour des raison financières la muraille n’entourra pas la totalité de la cité Conimbriga. Au final le mur cerna un peu moins que la moitié de la ville conduisant à la destruction de plusieurs bâtiments tels l’amphithéâtre, des maisons privées comme la maison des mosaïques de svatiska ou encore la maison des fontaines.
La muraille impériale tardive est un important ouvrage militaire. Par exemple l’épaisseur des murs qui atteint 4 mètres est hors norme. De plus cet ouvrage comportait des zones piétonnes, des annexes de stockage pour les magasins et des escaliers. Concernant la porte d’entrée principale, celle qui s’ouvrait sur la route du Sellium. Si ce nom n’évoque rien, il s’agit en fait d’un axe important qui traversant Conimbriga, reliait Sellium ancien nom de Tomar à Aeminium (Coimbra). Cette porte d’entrée principale était entourée de deux tours massives qui défendaient une double porte. En cas de danger une grille métallique descendait le long de la muraille extérieure. Ces informations relatives aux fouilles sont matérialisées par des pièces de métal trouvées à cet endroit, comme par exemple les charnières des portes de l’entrée principale.
Péristyle de la maison au svatiska
La maison de la mosaïque au svatiska appartenait à une famille prospère. Sa construction date du Ier siècle. Par ailleurs certaines modifications plus tardives datent IIe siècle. Les mosaïques quant à elles sont du milieu du IIIe siècle. Quelque décennies plus tard la maison fut démolie pour la construction des murailles défensives de la ville. Les romains utilisaient le symbole de la croix de la svatiska parce qu’ils considéraient que le symbole solaire apportait de la chance. La maison de la svatiska fut mise à jour à l’occasion de fouilles au XXe siècle. Plus exactement en 1940 et la restauration des mosaïques s’effectua en 1950.
Ruines de Conimbriga – chapiteaux et colonnes monolithes
Il reste encore quelques vestiges des anciens temples de Conimbriga comme les bases des colonnes voir des chapiteaux
L’artisanat du verre à Conimbriga
Sous l’empire romain l’art de la fabrication du verre se perfectionna. Dans le même temps il se généralisa grâce à l’invention du soufflage du verre. Grâce à cette nouvelle acquisition la mise en oeuvre était plus légère et plus rapide. En effet les anciennes techniques utilisaient de la pâte de verre qui nécessitait un travail d’assemblage plus important. A la suite des grands centres d’exportation comme Rome, Aquilée et Cologne d’autres centres plus modestes s’établirent. Ces derniers permettaient la fourniture de la demande locale ainsi que celle des besoins régionaux. Le marché était donc prospère et en expansion. Pour une compréhension de ce marché dynamique il faut savoir qu’il provenait de la demande des légions, suivie par celle des fonctionnaires et aussi de l’aristocratie locale.
La présence de quelques morceaux de verres bruts, verts ou bleu glacier et de fragments d’argile réfractaire recouverts sur une face de gouttes vitreuses de différentes couleurs, prouve que le verre était fabriqué à Conimbriga au moins à la fin du premier siècle. Il semble également evident que le verre des fenêtres était fabriqué localement ou à proximité.
Outils romains pour le travail du bois – musée de Conimbriga
Compte tenu de la nature des sols, les objets confectionnés en bois à Conimbriga n’ont pas traversé les millénaires. Par contre, sans nul doute, des instruments en fer qui servirent à leur fabrication furent découverts au cours des fouilles. Parmi ces objets on trouve des ciseaux, des gouges, des scies et même des limes. On y trouve aussi des lames de scie qui servirent à la découpe du bois sec. La vrille et la lime font partie des outils particulièrement intéressants utilisés à cette époque. Chose surprenante aucun outil plus important pour travailler de grosses pièces de bois ne furent découverts pour le travail de construction excepté un marteau.
Outis et vestiges des tailleurs de pierre
La fabrication d’objets pour les usages domestiques était dynamique dans la cité de Conimbriga. On y trouve des objets en pierre qui faisaient appel au savoir faire des artisans sculpteurs. Sans surprise on trouve des autels votifs en pierre pour les particuliers. Des stèles funéraires et aussi des éléments de décoration pour la construction. Les objets retrouvés furent taillés par des maîtres sculpteurs qui copiaient les objets qui avaient cours à Rome. Sur le côté gauche de cette vitrine thématique du musée, on retrouve les outils utilisés par les tailleurs de pierre.
Couture tissage et travail du cuir à Conimbriga
La couture faisait partie des tâches quotidiennes des romaines de Conimbriga. Cependant, il y avait une spécialisation ce qu’indique les vestiges découverts dans un quartier spécifique de la ville. En fonction des objets présents en quantités importantes dans ce lieu, on suppose qu’il y avait ici des ateliers de tissage qui produisaient des habits à grande échelle. En dehors de cette grande quantité d’instruments de tissage et de couture il y en a d’autre qui suggèrent la tonte d’animaux et la préparation de la laine. Par ailleurs des outils spécifiques à la couture et au travail du cuir atteste de l’existence d’ateliers dédiés. D’une manière générale, la couture était une occupation domestique qui était essentiellement féminine. L’ensemble de ces activités nécessitait des aiguilles, des poinceaux et des ciseaux. Des échantillons de ces objets qui sont exposés au musée de Conimbriga sont du plus grand intérêt.
Outillage agricole romain
Les fouilles du site de Conimbriga ont également mis en évidence une activité agricole. Il est à la fois étonnant, voir émouvant, de constater une similitude en comparaison à nos outils contemporains. Comme quoi, c’est bien la fonction qui crée l’objet. Parmi ceux facilement identifiables nous trouvons une faucille destinée à la coupe des herbes ou du blé. Une machette avec l’extrêmité courbe destinée à la coupe des branches. Il y a aussi toute une panoplie de houes destinées aux travaux des champs comme par exemple le sarclage. On y voit aussi quelques exemplaires de clarines. Il convient de noter qu’à ce stade les objets agricoles proviennent tous de la fouille de la cité et non des terres avoisinantes. Ces outils sont toutefois représentatifs des opérations essentielles de la terre.
Les matériaux de constructions utilisé par les romains
Les matériaux de construction et les outils informent sur les techniques utilisées ainsi que sur les ressources économiques. Le matériau le plus utilisé était la pierre locale mais la brique, le mortier et plâtre étaient aussi importants. La ferronnerie avait aussi sa place dans la construction pour la fabrication d’accessoires comme des grilles de fenêtres ou des loquets. Par ailleurs le plomb était utilisé pour la plomberie. De nombreux fragments de dalles en marbre qui venait de régions plus lointaines attestent d’une recherche pour l’embellissement des édifices publics. Par ailleurs, ce matériau noble entrait dans la réalisation des mosaïques.
Les objets culinaires époque romaine de Conimbriga
Les objets culinaires issus des fouilles sont exposés au musée de Conimbriga. On trouve des plats et des cruches en céramique. Des couteaux, des lames et autres objets de découpe parfaitement identifiables même si les manches sont la plupart du temps absents. Il y a aussi des esses ou autres crochets. Des anses que l’on utilisait pour suspendre des marmites sur le feu. Sur la partie droite de la vitrine un entonnoir apporte la preuve d’une bonne couverture des besoins basiques.
Les occupations ludiques
En guise de passe temps, les romains avaient beaucoup de plaisir dans la pratique de jeux simples, parfois presque enfantins. Comme par exemple le saut à la corde, le jeu avec une balle ou encore des jeux de dés ou celui des osselets. Le ludus latrunculorum était un jeu de stratégie militaire dont l’origine est grecque. Il s’agit d’un champs de bataille où l’adversaire doit être éliminé. Le ludus duodecim scriptorum était un jeu de table populaire sous l’empire romain. Il ressemblait à l’actuel backgamon.
Les pièces de jeu sont des dés, des marqueurs, des astragales (osselets) et des pions. Ces dernières ont des formes variées car elles étaient fabriquée en totale improvisation par les bergers.
Par ailleurs, une flûte et des sifflets furent découverts dans plusieurs endroits de la ville romaine de Conimbriga (partie droite de la vitrine). Ces derniers sont également des objets de loisir et de plaisir, ils sont donc à leur place dans cette vitrine.
Le culte des déités
A Conimbriga on adorait Liber Pater dieu des vins. Apollo était quant à lui le symbole de l’harmonie physique et morale. Mars était à la fois le dieu de l’agriculture et de la guerre. Fortuna celui de la destinée. Parfois des divinités indigènes étaient romanisées. Parmi celles ci citons Aius Rogatus, célèbre dans la péninsule ibérique et Remates qui gardaient les bains publics. Dans ce panthéon on trouve aussi les Lares, ces divinités qui protègent la famille, la communauté, la ville et les routes. Le génie était l’esprit divin, de chaque personne, de chaque place ou monument de la ville exemple : Genius de Conimbricae
Les stèles funéraires
Objets pour conjurer le mauvais sort
Comme le mauvais œil et les imprudences humaines des individus, c’était la divinité qui rendait les gens malheureux et leurs actes échecs. Pour le chasser le mauvais sort ou le tromper ils utilisaient des amulettes avec des représentations gestuelles comme des doigts croisés, des attitudes provocatrices comme l’acte de défécation ou encore de scènes sexuelles. Phallus, têtes de taureau ou tête de Méduse et haches néolithiques. Il y avait aussi le carré magique qui consistait en une combinaison de cinq mots lisibles dans plusieurs directions. Cela pouvait être un simple jeu de mots ou un talisman garantissant succès et bonheur.
Source : Information du site – recherche et impressions personnelles
Asphodèle d’Arrondeau
Le site de Conimbriga abrite quelques rares spécimens d’Asphodèle d’Arrondeau. En introduction comme pour la conclusion c’est par cette belle fleur que se termine la visite d’un site romain un peu méconnu qui est cependant du plus grand intérêt.
Bonjour Sergio. Et bien on peut dire qu’aujourd’hui j’ai appris beaucoup et beaucoup plus que je ne pensais. Déjà j’ignorais qu’il y eût autant de ruines antiques au Portugal mais qu’elles étaient aussi belles et pour certaines en très bon état. J’ai ouvert tous tes liens sur l’artisanat et les métiers de l’époque, du bois, du cuir, du verre et c’est fantastique de découvrir tout ça. J’ai aussi beaucoup aimé les stèles funéraires et les statues dont celle de Medusa m’a fait un peu penser à certaines têtes que j’ai pu voir en Grèce.
Ce reportage est superbe Sergio, ça vaut la peine d’y puiser tranquillement. Merci.
Merci Marie pour les commentaires pertinents. Ce site est quelque peu méconnu car il est un peu à l’écart des grands axes tourisitiques quoique Coimbra ne soit pas bien distant. Concernant la tête de Médusa et l’analogie avec la Grèce c’est normal car la civilisation romaine s’est beaucoup inspirée de la Grèce. Ces visites de sites antiques sont passionnants car il font écho à nos bases de connaissance des civilisations anciennes des programmes scolaires. Mais là c’est concret, donc encore plus fort. L’autre aspect émouvant est la maitrise et la technicité des objets usuels qui ne sont pas si éloignés de ceux que nous utilisons encore de nos jours.
Certes le site n’a pas échappé à l’emprise des ans (bases de colonnes et chapiteaux) mais il en reste de si beaux trésors architecturaux en particulier les pleins-cintres absolument parfaits, les mosaïques etc…..C’est un véritable plaisir de faire avec toi cette « escapade photos »
Le plaisir est aussi dans le partage ! Mais de mon point de vue quelle belle découverte.