L’Ellé, le parcours d’un fleuve côtier sauvage qui doit le rester
L’Ellé est un fleuve côtier qui prend sa source à Glomel dans le Morbihan. Fleuve côtier assurément et non rivière, car il en est le cours d’eau principal. De sa source à Glomel au confluent de Quimperlé où le fleuve reçoit l’apport de l ‘Isole, le fleuve a déjà parcouru 60 km . A partir de ce confluent pour son parcours aval, le fleuve prend le nom de Laïta. Ceci est une spécificité locale un peu mystérieuse comme le nom lui même. Spécificité il est permis de l’affirmer puisque en général, un fleuve au plus gros débit conserve son nom d’amont en aval. Quoi qu’il en soit le fleuve Ellé comme par ailleurs la rivière Isole sont des cours d’eaux sauvages qui doivent le rester.
Lorsqu’un confluent donne le nom d’une ville
Cette spécificité locale remonterait au 19e siècle où la partie maritime, celle sensible au régime des marées fut renommée en Laïta. On notera aussi au passage que la ville s’appelait Anoraut qui selon les historiens voulait dire les deux gués. Et nous y sommes, car nous sommes entre Ellé et Isole. Ce qui nous conduit naturellement à Quimperlé qui vient du breton Kember, le confluent qui de Kember Ellé devint rapidement Kemperlé dans l’usage courant . Ceci pour dire que les noms de villes font souvent référence à l ‘histoire. Je vous propose donc un parcours d’aval vers l’amont d’un des plus beaux fleuves sauvages de Bretagne.
Le pont Lovignon dit pont fleuri
Le pont Lovignon ou pont fleuri démontre l’importance de ce point de passage. En effet Quimperlé était l’un des points d’entrée important en Cornouaille. Ce pont du 17e siècle mais dont l’origine est estimée au 15e siècle est un ouvrage classé. Ce pont à dos d’âne était donc une porte d’entrée dans la ville médiévale qui débouchait sur la rue…Ellé. Cette rue pavée étroite conserve un peu de son caractère, notamment une maison à colombage.
Le Pont Fleuri était une porte d’entrée de la ville au moyen âge. Cette rue moyenâgeuse n’est pas large. Une belle maison à colombage laisse de la place à l’imaginaire.
Le pont Lovignon est un pont à trois arches avec des éperons sur la partie amont.
Le moulin des Gorrets à Quimperlé
Les gorrets « Kored en breton » est la francisation d’usage d’un lieudit qui désignait autrefois une pêcherie sur une rivière. On trouve d’ailleurs en français le terme de gord qui reprend cette idée de barrage pour capturer le poisson. En conclusion, il est cependant vraisemblable que les gorrets a pour origine l’appellation en breton. La suppression du barrage des gorrets au nom de la continuité écologique est un sujet récurrent. Les enjeux sont les suivants, l’un plaide pour rendre au fleuve son cours naturel. D’un autre côté, le barrage retient l’eau qui est captée pour l’alimentation en eau pour la ville. Sans oublier que cette partie en eau plus profonde abrite en amont une base de canoë kayak.
Le barrage des gorrets servait de régulateur des eaux tout en constituant une réserve motrice pour le moulin. D’autre part, cette réserve est utile pour le captage d’eau pour la ville . Par ailleurs, le plan d’eau favorise la pratique du canoë kayak dont la base se trouve 500 mètres en amont.
Entre Isole et Ellé, les halles de Quimperlé
Entre Isole et Ellé, les halles de Quimperlé sont représentatives de l’architecture de la fin du 19e siècle. Sa structure associant le métal et la brique est harmonieuse. Les halles étaient autrefois le lieu incontournable pour les l’achat de produits frais. De nos jours, les modes de consommation ont changé avec l’évolution de la distribution. Malgré tous ces avatars quelques étals proposent encore des produits locaux. En période estivale, le marché dominical réanime l’ambiance et l’affluence d’autrefois.
Près de la rue Lovignon, les halles de Quimperlé avec une vue sur l’église Saint-Michel en haute ville.
Tréméven, le moulin du Fourden et le bassin versant
Le moulin du Fourden se situe sur la commune de Tréméven, Pour les marcheurs de nombreux chemins de randonnée permettent de l’atteindre en longeant les rives de l’Ellé. Les gens pressés peuvent aussi y venir par la route, via le village de Ruerno. Le moulin est construit sur un îlot dans une vallée profonde. Il fait face à la falaise Saint-Adrien sur la rive opposée en commune d’Arzano. Ce moulin de taille modeste date du XVIIIe siècle. Il a perdu sa roue à aubes parce que l’activité de minoterie entraîna aussi l‘arrêt de la maintenance. En raison de la désaffection du site, le moulin subit aussi les avatars climatiques jusqu’à sa restauration au XXe siècle. En conclusion, le petit moulin du Fourden blotti dans une superbe vallée aux eaux vives ne manque pas de charme.
Un ouvrage de pierre ralentit la course de l’Ellé. Une partie du cours est déviée dans un bief qui canalisait l’eau vers la roue à aubes du moulin aujourd’hui disparue
De nombreux moulins jalonnent le cours de l’Ellé. Le bief conduisait l’eau sur la roue à aubes aujourd’hui disparue.
A la fin de l’hiver, le débit des eaux est important. Le bief amplifie encore la force du courant
Le bief dérive l’eau de l’Ellé, pour l’acheminer vers la roue à aubes aujourd’hui disparue comme cette dernière génération de meuniers.
Ce ruisseau qui se déverse dans l’Ellé traverse des zones marécageuses. Il ne se tarit jamais, par contre lorsque la pluviométrie est importante, il devient tumultueux malgré sa petite taille.
L’hiver s’approche du printemps, il y a comme un frémissement végétatif sur fond de ciel bleu et d’eaux sombres
Biodiversité Carex paniculata ou Laîche paniculée
Touradons de Carex paniculata
Dans une zone marécageuse du versant trémévénois coule un ruisseau qui se déverse dans l’Ellé. Le Carex paniculata bien établi forme des touradon. Pour bien décrire cette particularité disons que ce sont des grosses mottes qui se développent à la base de la plante en relation avec son développement. La formation d’un touradon demande de nombreuses décennies c’est pourquoi ces plantes de milieux humides sont précieuses.
L’Ellé fleuve côtier à Pont Ty Nadan
L’origine du pont Ty Nadan est bien antérieure au 19e siècle, même si l’ouvrage a été largement remanié depuis. Le pont assure la liaison entre la commune d’Arzano et celle de Locunolé. Après le passage tumultueux des Roches du Diable, l’Ellé assagi, malgré la force des eaux, s’étale en largeur. Par voie de conséquence, le pont comporte cinq arches.
Le fleuve Ellé à Pont Ty Nadan. A cet endroit l’Ellé est étale, la lumière rasante met en relief les cinq arches du pont qui relie la commune d’Arzano à celle de Guilligomarc’h
Les Roches du Diable
Trois communes se partagent le site des Roches du Diable ou plus exactement le parcours complet amont vers aval. Les chaos des Roches du Diable sont partagés entre la commune de Querrien qui dispose d’un beau belvédère à Kerscollier cependant la notoriété du site revient à Guilligomarch qui dispose du seul accès facile au site. C’est donc dans cette partie tumultueuse de de la rivière que se déroule une compétition de canoë kayak de notoriété internationale. Un peu plus en aval, le pont du diable assure la jonction entre Guilligomarc’h et Locunolé.
Photos du slalom du championnat national 2 en 2022
Le pont du Diable est un pont reconstruit au 19e siècle. Il relie Locunolé à Guilligomarc’h. Ce pont est associé à la légende de Guénolé qui a donné son nom à Loch Guénolé « Loch, le lieu consacré à Saint Guénolé » qui dans l’usage courant devint Locunolé.
A Kerscollier le fleuve entame le parcours des chaos des Roches du diable
Le Naïc
Le Naïc est une rivière qui prend sa source dans la commune de Guiscriff. Elle traverse ensuite la commune de Lanvénégen puis celle de Querrien où la rivière se jette dans l’Ellé.
L’Ellé à Loge Coucou
À Loge Coucou, l’Ellé, malgré la force du courant semble assagie. Pourtant le débit du fleuve augmente. Effectivement, à quelque kilomètre amont le fleuve reçoit successivement la contribution des eaux de l’inam et de l’Aer. L’accessibilité des berges, la déclivité moindre servent un parcours de pêche dans un cadre magnifique. Ici l’on pêche le saumon ou encore la truite à la mouche.
Inam ou Steir-Laër
L’inam prend sa source dans les Montagnes Noires. Elle se jette rive droite de l’Ellé après un parcours de 35 km. L’Iman est avec l’Aër sont des affluents majeurs de l’Ellé.
L’Ellé à l’affluence de l’Aër à la Rochepiriou
Les chaos de l’Ellé au Faouët
Le parcours entre le Grand Pont et le Barrégan est avec celui des Roches du Diable le plus spectaculaire de l’Ellé. En cet endroit sur une distance de plus de 2 km le fleuve entaille profondément le massif armoricain. Il en résulte des falaises aux à pic impressionnants.
Moulin de Kergoat sur le cours supérieur de l’Ellé
Continuons donc la remontée du fleuve sauvage qui fait un parcours dans un environnement exceptionnel. Comme vous le constatez au fil de ce périple, l’Ellé et ses affluents étaient jalonnés de moulins. Malheureusement depuis les années 60, les artisans meuniers cessèrent progressivement toute activité. En conséquence, ces magnifiques moulins à dimension humaine dont l’entretien était parfait, furent laissés à l’abandon. Nous les retrouvons parfois en état de ruine mais fort heureusement, certains font l’objet de restaurations, cependant tardives. C’est pourquoi, il est rarissime de trouver des moulins conservant encore les impressionnantes roues à aubes qui entraînaient la meule de pierre. Par contre, ces restaurations permettent la sauvegarde des bâtiments et annexes ainsi que des infrastructures comme les barrages et le canal de dérivation des eaux.
Moulin de la Garenne Priziac
Moulin du Pont
Quelques centaines de mètre en amont voici un nouveau barrage qui alimentait le moulin du pont. Le barrage se trouve à l’intérieur d’une propriété privée. La photo représente donc l’Ellé après le passage du barrage.
Vers la source de l’Ellé en Côtes d’Armor
Le retour aux sources ou la restauration du cours supérieur de l’Ellé
L’Ellé retrouve ses méandres et une forme plus naturelle : 14 méandres sont créés à Langonnet, sur le cours principal de l’Ellé, à environ 10 kilomètres de la source : Agence de l’eau Loire-Bretagne
En guise de conclusion
En passant par le paysage hivernal de pont Ty-Nadan l’envie me prit d’en photographier les subtiles lumières. J’étais cependant loin d’envisager ce périple photographique d’aval vers amont qui se termina aux sources même de l’Ellé . Ce fleuve m’accompagne depuis mon enfance, mais je ne l’avais jamais parcouru en totalité. Il reste la partie maritime du fleuve Laïta finit sa course au Pouldu mais ceci est une autre histoire.
Estuaire de la Laïta, clap de fin pour l’Ellé, ce fleuve côtier
Bonjour Sergio. Merci pour cette superbe série variée qui me montre un coin que je ne connais pas du tout. Il me reste tant encore à découvrir de notre Bretagne mais lorsque j’arrive à remonter vers mes racines, c’est presque toujours en presqu’île de Crozon que je vais car je suis dingue de la presqu’île.
Je ne connaissais même pas le nom de l’Ellé, c’est dire !
Tes poses longues sur l’eau, en nb comme en couleur, sont superbes.
Quant aux halles de Quimperlé, elles sont très cousines avec celles de notre bonne ville de Grenoble. Un style art déco qu’on retrouve un peu partout en France et qui me fait me demander si c’est le même architecte qui les a toutes construites ou inspirées.
Bon dimanche !
Pour en savoir plus sur les halles de Quimperlé qui datent de la fin du 19e siècle. Ce lien va te conforter dans ton constat http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/les-halles-sur-la-commune-de-quimperle/7bf34d73-6ebc-42ab-b07f-0e4f36c831f4 Merci pour ta visite et ta contribution. Bonne soirée.
Bon jour Sergio,
Cela faisait bien longtemps que j’étais en pause, mais me revoilà, tout doucement.
Merci pour cette très agréable et longue balade au fil de tes pas et de tes clics. Les photos sont très variées et c’est agréable.
Les halles sont de toute beauté, je suis fan.
Bonne journée à toi
J’étais informé de ta pause pour cause de nouvelle implantation dans les Cévennes. Mais avec le printemps, tu reviens progressivement à la photo naturaliste comme tu le fais si bien. Merci pour ta visite et le commentaire. Bonne soirée Pascale.
Bonjour Sergio,
quel beau reportage au fil de l’eau, souvent impétueuse.
Cette région me fait toujours autant rêver. Ton parcours d’eaux tumultueuses bien conté et documenté aussi.La nature paraît préservée, il y a des traces du passé avec les moulins, les choix d’aménagements des cours d’eaux.
Quimperlé a pour moi un attrait particulier; son nom chante à mes oreilles et tu le fais bien vivre ici. J’aime aussi la conception et la décoration des Halles.
A noter que notre union du fleuve Garonne et de la Dordogne avait aussi pris le nom fédérateur de l estuaire de la Gironde.
Comme toujours, de très belles photos.
Je me souviens d’un de tes reportages de kayak, c’était sans doute en ces lieux.
Par une belle journée d’hiver, je suis passé sur des hauteurs surplombant la vallée de l’Ellé à Pont ty Nadan, la lumière sur le pont et les arches était superbe. Je me suis dit à ce moment là que ce serait sympa de la photographier avec d’aussi belles lumières. J’avais à ce moment, l’idée de montrer les ponts de cette rivière mais très vite l’idée m’est venue de remonter tout le cours de ce fleuve côtier qui m’est si familier et de montrer son caractère sauvage car l’Ellé coule dans des vallées escarpées qui échappent à l’exploitation humaine. D’autre part, ce parcours photo m’a demandé plusieurs jours, mais je ne regrette pas ce périple qui a conduit naturellement à ce récit qui de Quimperlé aux sources de l’Ellé est vraisemblablement unique. Concernant le kayak, les compétitions ont effectivement lieu dans une vallée encaissée de l’Ellé. Ce lieu s’appelle les Roches du Diable (une légende raconte le combat entre le diable et saint Guénolé). C’est pourquoi, une commune riveraine s’appelle Locunolé nom francisé qui vient de Loch suivi de Guénolé, soit lieu consacré à Saint-Guénolé. Voilà pour la légende. Bonne fin de semaine landaise sous le soleil et un temps quasi-printanier, je suppose.