Aller au contenu
Accueil » Blog notes » Bretagne anses, rias, rivières, fontaines: Bons plans de visite » Gilles Chauvel : Un sabotier breton à Coat Loc’h

Gilles Chauvel : Un sabotier breton à Coat Loc’h

Gilles Chauvel, mémoire d’un sabotier breton traditionnel

Gilles Chauvel, un sabotier breton né en 1937 est l’un des derniers représentants d’une lignée de sabotiers qui remonte au début du 18e siècle. A l’âge de 15 ans, il commence l’apprentissage dans l’atelier paternel.  Il façonnait un pied tandis que la machine répliquait l’autre mécaniquement. C’est ainsi qu’il a acquis un savoir faire manuel qui lui permet aujourd’hui de montrer comment on fabriquait les sabots aux 16e et 17e siècles. Car ajoute-t’il, les sabots sont asymétriques. Cela ne semble pas évident à priori, mais il y a réellement un pied gauche et un pied droit représentant des courbures spécifiques. Faire un sabot à la main, sans plan, sans graphisme, n’est donc pas si évident qu’il apparaît. Pas de FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur) seul le cerveau, l’expérience et la maîtrise du sabotier gèrent l’aspect dimensionnel.

Gilles Chauvel évoque un mode de vie et une confrérie

Entre les 18e et début du 20e siècles, les sabotiers vivaient en nomades dans les forêts pour être proches de la matière première. Ils louaient leur services là où il y avait de la demande. Les sabotiers étaient comme une confrérie raconte Gilles Chauvel. Lorsqu’un sabotier se présentait, il demandait s’il y avait du travail. Que la réponse fut positive ou négative, le sabotier itinérant s’installait pour passer la nuit. Ainsi, il partageait la hutte et le repas des sabotiers.  Frais et ragaillardi, il pouvait reprendre son itinérance dès le lendemain matin suivant, où alors il s’installait dans le nouveau camps de base. A l’évocation du mode de vie des sabotiers d’antan, il apparaît qu’il s’agissait d’une confrérie qui, comme les compagnons transmettaient le savoir faire de génération en génération.

Les sabots sont fabriqués à partir de bois vert

La fabrication des sabots on utilise différentes essences de bois vert : Frêne, érable, platane, noyer, peuplier et l’aulne ou encore le bouleau. En Bretagne, le hêtre est était le bois le plus utilisé en raison de l’omniprésence de cette essence. Pour l’anecdote, les anciens marins portaient des sabots fabriqués en peupliers. Ils se chaussaient pieds nus. Gilles Chauvel raconte que les marins affectionnaient ce bois car le sable s’incrustait dans le bois tendre du peuplier. Cette particularité conférait l’adhérence du sabot sur le sol en bois des bateaux.

Les outils de façonnage du sabotier

  1. Le tronçonnage en rouelle correspond à la pointure à réaliser. A cette pointure, le sabotier ajoute 30mm soit 15mm pour le talon et le bout du sabot.
  2. La fente en quartiers permet de définir les section, cette opération permet d’éliminer les points de faiblesse du bois comme par exemple nœuds.
  3. La hache de sabotier permet de réaliser l’ébauche du futur sabot.
  4. Pour la forme du sabot, l’artisan utilise le paroir pour affiner les contours du sabot. Le paroir se présente sous la forme d’ un grand couteau particulièrement affuté. L’embout terminal est un crochet qui vient se glisser dans un anneau métallique fixé sur un billot ou un établi.
  5. Le creux se réalise à la vrille puis à la cuillère. Ces dernières sont plus ou moins grosses. En général 18 à 24 lignes pour creuser et 13 lignes pour la finition. Le boutoir est un ciseau tranchant dont la lame revêt une forme de U aplatie. Cet outil sert à évider la partie antérieure du sabot. La rouanne est une lame en forme de feuille dont la pointe est recourbée. Cet outil sert pour la finition de l’intérieur du sabot surtout à la place des orteils. La dimension des outils du sabotier est exprimée en lignes, mesure française représentant 1/12e du pouce, soit 2.25mmLe grattage, La rainette ou grattoir sert au lissage de l’intérieur du pied du sabot.
  6. Séchage : Pour le séchage on utilise les copeaux issus de la fabrication des sabots. La chaleur douce est diffusée par un feu sans flamme car il s’agit de sécher doucement un bois vert. L’exposition à la fumée imperméabilise le bois vert et le protège contre les attaques des insectes du bois. Le sabot est ensuite conservé dans une pièce tempérée pendant plusieurs mois avant la touche de finition.
  7. Le ponçage s’exerce dans le sens du bois.
  8. La décoration est la marque de fabrique de chaque sabotier. C’est au graphisme que l’on reconnaît l’artisan sabotier. Les outils utilisés sont la gouge et le tiret. Contrairement au sculpteur, le sabotier opère a main levée, d’où la spécificité de l’outil employé.
  9. La teinte du sabot ou le lasure correspond à l’attente de la clientèle. A noter que certains sabots sont équipés d’une bride, une lanière de cuir. Elle correspond  à l’emplacement du cou-de-pied. Je n’ai pas posé la question concernant cette option. Mais vraisemblablement cette bride de cuir apporte un peu de souplesse et évite le traumatisme pour des pieds qui s’avéreraient sensibles au frottement contre la paroi du sabot.

Gilles Chauvel un sabotier breton traditionnel en démonstration

Gilles Chauvel : Un sabotier breton à Coat Loc'h
Gilles Chauvin exhibe une cuillère de sabotier qu’il utilise pour évider le sabot.

Les sabots formés, il reste à les évider. Cette opération s’ effectue à l’aide de plusieurs outils. Le premier utilisé est la cuillère. Le sabotier commence par creuser le talon du sabot à l’aide d’une cuillère. Le mouvement alternatif se fait en forme de va-et-vient d’un côté puis de l’autre en respectant à chaque passage un angle à 180°. A la fin de l’opération un copeau correspondant aux différents va-et-vient sort de la cuillère. Exercer un mouvement de cuillère à 360° casserait le bois assure Gilles, sans tester on le croît volontiers. Vu l’expérience accumulé, Gilles est un maître sabotier !

Gilles Chauvel sabotier - utilisation de la cuillère pour creuser le talon
Sabotier – utilisation de la cuillère pour creuser le talon
Gilles Chauvel sabotier breton
Gilles Chauvel sabotier breton en démonstration à Coat Loc’h
Sabotier - creusement d'un talon de sabot en bois
Signe des temps, le sabotier s’abrite du soleil sous une tente au lieu et place de la hutte traditionnelle ! De même, il ne fabrique plus de sabots dans le but de  les commercialiser. Gilles Chauvel exhibe désormais  son savoir-faire à l’occasion de fêtes qui célèbrent les vieux métiers. C’est le cas ici pour la fête des sabotiers à Coatloch.
Gilles Chauvel : Décoration d'un sabot à main levée
Les outils de finition pour la sculpture sont la gouge et le tiret. Sur la photographie Gilles Chauvel décore à la gouge. Les autres motifs se font au tiret, un outil à manche de bois présent sur l’établi, voir photo.
Gilbert Chauvel Le tiret du sabotier
Le sculpteur travaille avec l’objet à façonner fixe tandis que le sabotier fait la décoration à main levée, d’où la spécificité des outils utilisés.

Gilbert Chauvel un sabotier breton fait une démo magistrale

Quel savoir faire, quelle richesse d’information, quelle démonstration didactique : Vraiment chapeau bas à cet artisan qui façonne des sabots de bois entièrement à la main. Pour vous en convaincre si encore besoin était, voici une vidéo Gilbert Chauvel sabotier en démonstration . A voir absolument.

La hutte du sabotier

Coat-Loc'h : La hutte du sabotier
Coat-Loc’h : La hutte du sabotier

La hutte du sabotier à Coat-Loc’h : Le foyer occupe le centre de la hutte. La fumée s’évacue par un trou percé dans le toit. Lors du passage la fumée encore tiède sèche les sabots façonnés. Sur le côté, il y a une table, c’est en cet endroit que les sabotiers prennent leurs repas. Alors qu’à l’opposé, un lit sommaire accueille les travailleurs fatigués par une longue journée de labeur.

La hutte du sabotier est une reconstitution

La hutte de sabotier à Coatloch
Cette hutte de sabotier est une reconstitution de l’habitat des sabotiers tel qu’il existait au début du 20e siècle. Les cabanes permettaient l’implantation des sabotiers au cœur des forêt, précisément à l’endroit où la matière première (le bois) était disponible. Lorsqu’ils acquièrent des lots de coupe en forêt, les sabotiers construisent une hutte en branchage,  au plus près du lieu de travail. Une ouverture centrale dans le toit permet l’évacuation de la fumée, le feu sert à cuire les repas mais aussi à sécher les sabots. Les lits sommaires en branchage sont disposés tout autour de la hutte. Lorsque la coupe est épuisée, les compagnons quittent la forêt pour aller vers une nouvelle concession. Vous l’avez compris : Les compagnons sabotiers sont des nomades qui aiment leur indépendance.

Remerciement à Gilles Chauvel, pour ce témoignage exceptionnel et la démonstration magistrale

Huttes, outils, travail du sabotier traditionnel : Ce document confirme l’environnement du sabotier tel que décrit par Gilles Chauvel.

3 commentaires sur “Gilles Chauvel : Un sabotier breton à Coat Loc’h”

  1. Ah que voilà une série intéressante, originale et culturelle aussi. J’aime beaucoup la lumière sur les photos couleur, sans doute parce que les couleurs l’ont bien prise. J’aime bien aussi les nb mais ma préférée restera la photo 7 avec le plan rapproché sur les mains qui sculptent les sabots

  2. Bon jour Sergio,
    Une très jolie série, superbement documentée pour ce qui est de la fabrication de ces superbes sabots.
    De belles ambiances également.
    Bonne journée

  3. Quel beau et dur métier, il faut surtout être patient et…habile.
    Ce billet est vraiment intéressant et agréable à observer en photos, merci!

Laisser un commentaire